Le club des Juliette

LE CLUB DES JULIETTE.

À Vérone, j’apprends une jolie histoire.
Dans la première moitié du XXe siècle, un jardinier s’occupait d’entretenir le cimetière où se trouve le mausolée de Juliette. Les touristes venaient regarder sa tombe, les amoureux venaient s’y embrasser, et les malheureux y pleurer. Emu par les scènes auxquelles il assistait quotidiennement, le jardinier dressa des oiseaux pour que ceux-ci, à son ordre, viennent se poser sur l’épaule des âmes en peine, puis leur donnent, d’un coup de bec furtif, un baiser. Ce phénomène plut, intrigua, et, petit à petit, des lettres parvinrent du monde entier pour demander à Juliette des conseils amoureux. 


Le jardinier prit l’habitude d’y répondre de sa belle plume en signant Juliette.
Lorsqu’il mourut dans les années cinquante, les enveloppes continuèrent à s’amonceler avec, comme seule adresse, cette mention : « Juliette, Vérone, Italie ». Certains Véronais décidèrent de perpétuer cette pratique et ils créèrent Le Club des Juliette, un groupe de sept femmes qui rédigeraient des lettres à l’intention des malheureux ou esseulés exposant leurs problèmes. 

Hier soir, j’ai rencontré les sept Juliette d’aujourd’hui, des intellectuelles, des psychologues, des sociologues, des avocates qui correspondent avec des condamnés à mort du Texas ou un gardien de phare en Chine…

Étrange Vérone que les Italiens ont construite et qu’un anglais, Shakespeare, a rendue célèbre…

(Extrait du Journal d’écriture, CONCERTO A LA MEMOIRE D’UN ANGE, Éric-Emmanuel Schmitt)

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